Marina Tsvetaieva
Courte biographie de Marina Ivanovna Tsvetaieva Marina Ivanovna Tsvetaieva est née à Moscou le 9 octobre (le 26 septembre selon l'ancien calendrier auquel elle se référa sa vie durant) 1892. Son père, Ivan Vladimirovich Tsvetaiev, était professeur en histoire de l'art à l'Université de Moscou. Au début de sa vie active, il fonda le Musée Alexandre III maintenant connu sous le nom de Musée Pushkin. La mère de Tsvetaieva, Maria Alexandrovna Meyn-Tsvetaieva, était la seconde épouse d'Ivan. Elle avait des talents musicaux mais son rêve de devenir une grande pianiste de concert ne s'est pas réalisé. Marina avait un demi-frère et une demi-soeur, Valeria et Andrei, enfants de la première épouse décédée d'Ivan, Varvara Dmitrievna Ilovaisky-Tsvetaieva (la fille de l'historien Dmitri Ilovaisky). Suivie aussi sa soeur cadette, Anastasia, née en 1894. Des extraits de la prose de Tsvetaieva nous donnent une éloquente et puissante description de son enfance aigre-douce. Sa mère avait espéré un fils avec des talents musicaux, mais lui vint plutôt une fille n'ayant aucun talent pour la musique, ayant plutôt un talent marqué pour l'écriture. La mère de Tsvetaieva essaya de détourner sa fille de l'écriture en se moquant et en détruisant ses premiers poèmes. Aussi préféra t-elle Anastasia à Marina, bien que l'attitude de la mère n'affecta pas la relation entre les deux soeurs. Le père de Tsvetaieva était un homme bon, cependant très absorbé par ses travaux qui le tinrent à distance de sa famille. De plus, il était toujours amoureux de sa première épouse, et sa deuxième épouse le savait. Quant à cette dernière, elle vécut une aventure amoureuse tragique avant son mariage, aventure qu'elle n'a jamais oubliée. Une tension considérable existait entre la mère de Tsvetaieva et les enfants de Varvara, et le père de Tsvetaieva était en étroite relation avec la famille de Varvara, dont l'histoire --autant tragique que pathétique-- est racontée dans l'une des oeuvres littéraires de Tsvetaieva «The House at Old Pimen». Étant une enfant sensible et introvertie, Marina trouva la joie dans cet amour pour la littérature et la langue, par ailleurs fort bien exprimée dans son essai «My Pushkin». En 1903, la mère de Tsvetaieva fut atteinte de tuberculose, et la famille voyagea à l'étranger jusqu'aux derniers moments précédant sa mort en 1906. Durant cette période, Marina et Anastasia firent des études en Italie, en Suisse et en Allemagne. À la suite de la mort de sa mère, Tsvetaieva abandonna la musique et se concentra sur la poésie. Sa première oeuvre fut la traduction de «L'Aiglon» d'Edmond Rostand, oeuvre qui ne fut pas conservée. Tsvetaieva étudia en autodidacte à Paris en 1909, ensuite s'inscrivit à une série de cours en gymnastique en Russie, sans succès académique, car son unique intérêt était porté vers la poésie. Sa première série de poèmes, «Evening Album», fut publiée en 1910. Cette publication attira l'attention du poète et critique Maximilian Voloshin, que Tsvetaieva décrira 23 ans plus tard dans «A Living Word About a Living Man». Voloshin fit la rencontre de Tsvetaieva et devint son ami et mentor. Elle passa beaucoup de temps chez Voloshin à Koktebel, lieu de prédilection où l'on retrouvait des écrivains très connus. C'est ainsi qu'elle fit son apparition sur la scène littéraire russe d'alors et devint l'amie d'Andrei Bely, qu'elle décrivit dans «A Captive Spirit». Aussi entretint-elle une correspondance avec des poètes tels que Blok et Akhmatova, bien que n'ayant jamais rencontré Blok et Akhmatova qu'elle ne rencontrera que durant les années 1940. Aussi rencontra t-elle son futur mari, un cadet de l'Académie des Officiers, Sergei Yakovlevich Efron. Ils se marièrent en 1912. Comme toutes les amours de l'âge adulte, l'amour qu'éprouva Tsvetaieva pour Efron fut très intense, allant presque à l'obsession. Ceci ne l'empêcha pas d'entretenir des relations amoureuses, avec entre autre, Osip Mandelstam, qu'elle honora dans une série de poèmes intitulée Mileposts, de même qu'avec une autre femme--la poète lesbienne Sofia Parnok à qui elle s'adresse dans une autre série de poèmes intitulée à ce moment-là «L'amie», et par la suite, »L'erreur». Tsvetaieva et son époux vécurent en Crimée jusqu'au moment de la révolution; ils eurent deux filles : Ariadna, ou Alya (née en 1912) et Irina (née en 1917). Lors des événements de la Révolution russe, Sergei s'enrôla dans l'Armée Blanche, et Marina retourna à Moscou dans l'espoir de le rejoindre. Cependant, ils ne purent se rencontrer qu'au bout de cinq ans quand les Bolscheviks prirent Moscou. C'est alors qu'Efron partit en Crimée. Pendant leur séparation, Tsvetaieva écrivit une série de poèmes pro-Russie blanche publiée sous le titre «The Demesne of the Swans», ou «Swans' Encampment». Ceux-ci seront ses seuls poèmes à teneur hautement politique. Tsvetaieva a beaucoup souffert de la famine qui sévissait à Moscou. Son père est décédé en 1913, sa soeur était demeurée en Crimée, et elle ne put subvenir à ses besoins de même qu'à ceux de ses filles. En 1919, elle plaça sa fille cadette Irina dans un orphelinat, croyant qu'elle y serait mieux nourrie. Cette erreur tragique fit en sorte que Irina mourut de faim en 1920. La rumeur dit que Tsvetaieva abusait de sa fille cadette. Il est reconnu qu'elle avait l'habitude d'attacher sa fille à une chaise quand elle sortait avec Alya. Dans sa biographie de Tsvetaieva, Lily Feiler mentionne qu'Irina souffrait d'un problème génétique et qu'à l'âge de deux ans, elle pouvait à peine marcher et parler. Ou encore que les événements tumultueux dans son pays, lors de sa naissance, de même que l'absence du père-- auraient causé cette attitude de Tsvetaieva envers sa fille. Quelle qu'en soit la raison, elle lui était indifférente comparé à Alya. Toutefois, sa mort fut vivement ressentie par Tsvetaieva qui en éprouva une grande peine ainsi que des remords. Dans l'une de ses lettres, elle mentionna «Dieu m'as punie». Au cours de ces années, Tsvetaieva était soutenu moralement par une amitié passionnée (qui n'était apparemment qu'une simple amitié) vécue avec la comédienne Sofia Gollidey. Elle écrivit plusieurs pièces de théâtre pour son amie, dont Knave of Hearts, Snowstorm, Adventure, Fortune, Stone Angel and Phoenix. Quelques années plus tard, apprenant la mort de Gollidey, elle écrivit un texte en prose la concernant, intitulé «Sonyechka's Story». En 1921, après trois ans de silence, Tsvetaieva reçut des nouvelles de son mari. Il était vivant, en Allemagne. En Mai 1922, Tsvetaieva et Alya quittèrent l'Union Soviétique et rejoignirent Efron à Berlin. Alors qu'elle vivait à Moscou, Tsvetaieva publia un ouvrage dans un journal parisien pour émigrés, Contemporary Notes. À Berlin, elle publia une série de poèmes, Separations, Poems to Blok et The Tsar Maiden. En août 1922, la famille déménagea à Prague où Tsevetaeva eut une aventure passionnée avec Konstantin Rozdevitch, un ex officier militaire. La rupture d'avec Rozdevitch en 1923 lui aurait inspiré son magnifique «Poem of the End». Durant cette période, une relation autrement plus importante débuta : L'échange de correspondances entre Tsvetaieva et Boris Pasternak, demeuré en Union Soviétique. Ne s'étant jamais rencontrés auparavant, la rencontre n'eut lieu qu'au bout de 20 ans; en fait, Tsvetaieva aurait pu, en quelques occasions, rencontrer Pasternak en Europe, mais elle laissa passer la chance. À un moment, ils entretinrent une relation amoureuse, et une amitié intime fut maintenue jusqu'au retour de Tsvetaieva. En 1925, la famille s'établit à Paris et y vécut durant 14 ans. Le dernier poème que Tsvetaieva a écrit à Prague fut une satire lyrique «The Rat-Catcher», inspiré de la légende de Pied Piper of Hamelin. De plus, en 1925, naquit leur fils Georgy, ou Moor. Il fut le préféré de Tsvetaieva; elle l'aima de façon obsessive comme tous les hommes qui passèrent dans sa vie. (quant à Alya, elle devint le soutien et la confidente de sa mère, ce qui la priva d'une partie de son enfance). Toutefois, ce fils ne lui rendit pas la pareille. En tout point, il fut un marmot gâté. Plus il grandissait, plus l'écart s'agrandissait entre lui et sa mère. En exil comme à Moscou, Tsvetaieva vivait pauvrement. Son mari fut un éternel étudiant qui ne réussissait pas à conserver un emploi. De plus, il fut atteint de tuberculose, ajoutée aux problèmes familiaux. Tsvetaieva reçut une maigre pension du Gouvernement Czech qui soutenait financièrement les artistes et les écrivains qui avaient habité la Czéchoslovaquie. En dehors de ce maigre revenu, elle se débrouillait comme elle le pouvait par des récitals et la vente de ses oeuvres. Elle se dirigea de plus en plus vers la prose, car ce genre était plus payant que la poésie. Tsvetaieva ne se sentait pas chez elle dans ce Cercle des écrivains émigrés russes de Paris. Même si elle écrivit des poèmes passionnés pro-Russie blanche durant la période de la Révolution russe, ses compatriotes émigrés pensaient qu'elle n'était pas suffisamment pro-Soviétique. Elle fut sévèrement critiquée concernant une lettre ouverte d'admiration adressée au poète soviétique Vladimir Mayakovsky. Quand la lettre parut, le journal «The Latest News» auquel Tsvetaieva avait souvent collaboré, lui ferma la porte à la publication. Tsvetaieva fut soutenue moralement par des correspondances entretenues avec d'autres écrivains, incluant Rainer Maria Rilke (lors du décès de celui-ci, elle composa son magnifique texte «New Year's Letter»), Boris Pasternak, les critiques D.S. Mirsky et Alexandre Bakharakh, et la poète czech Anna Teskova. Pendant ce temps, le mari de Tsvetaieva se rapprochait de plus en plus du régime soviétique. Souffrant du mal du pays, il adhéra au mouvement appelé Les Eurasiens, dont le but était de rapatrier les émigrés. Il rêvait de retourner en U.R.S.S., mais craignait de le faire à cause de son passé dans l'Armée russe blanche. Par la suite --soit par idéalisme ou encore pour gagner la sympathie des Communistes-- il espionna pour le compte du NKVD, organisme précédesseur du KGB. Sa fille Alya se rapprocha également du régime soviétique, et peu à peu, se rebella contre sa mère. En 1937, elle retourna à Union Soviétique. Un peu plus tard cette année-là, Efron dut retourner dans son pays d'origine. Il fut imputé du meurtre de l'ex agent soviétique Ignaty Reyss par la police française. Après sa fuite, la police interrogea Tsvetaieva, mais celle-ci leur parut plutôt confuse lors de leur interrogatoire et le tout se termina par la récitation de sa poésie en traduction française, laissant croire aux policiers qu'elle pouvait souffrir d'un désordre mental, et ils conclurent qu'elle ne savait rien de ce meurtre qu'on imputait à son mari. Tsvetaieva ne semblait pas au courant que son mari était un espion. Cependant, elle fut tenue également responsable des actes de son mari et fut considérée personna non grata dans Paris. En 1939, elle retourna en Union Soviétique avec son fils. Peu avant son départ, elle compléta son oeuvre majeure --«Poems to Chekia», écrite en réponse à l'invasion allemande en Czéchoslovaquie. Elle ne savait pas alors ce qui l'attendait dans son pays. Dans la Russie de Staline, quiconque avait vécu en marge était suspect comme tous ceux qui faisaient partie de l'intelligentsia avant la Révolution. La soeur de Tsvetaieva fut arrêtée avant le retour de celle-ci; les deux soeurs ne se sont jamais revues (Anastasia survécut aux années staliniennes). Tsvetaieva découvrit que toutes les portes lui étaient fermées. Parternak lui trouva quelques contrats en traduction de poésie, les groupes d'écrivains officiels lui refusant leur soutien. Peu après son retour, Efron et Alya furent arrêtés pour espionnage. Le fiancé d'Alya, en fait, était un agent du NKVD qui fut engagé pour espionner la famille (Efron fut exécuté en 1941); Alya fut condamnée à huit ans de prison. Suite au décès de Staline, tous deux furent exonorés de tout blâme faute de preuve. En 1941,
Tsvetaieva et son fils furent évacués à Yelabuga, en République Indépendante
Tartar. Ils ne trouvèrent là aucun soutien. Georgy blamait sa mère
de leurs malheurs et constamment la harcelait pour l'obtention d'argent
et de plus beaux vêtements. Le 31 août 1941, il ne leur restait de
l'argent que pour acheter un seul pain. Ce jour-là, Tsvetaieva se pendit.
Le lieu de son inhumation demeure inconnu. traduction
par Huguette Bertrand le 27 juillet 1997 |