André CHENET
L'IVRE LIVRE
La sombre nécessité de vivre
retombe entre les tombes
Rituels d'aube et de silence
sur la mousse et le marbre
Les grands arbres dépouillés de l'hiver
sont les scribes du ciel et de la terre
Un poème fleurit sur la neige
un poème entre les lèvres d'un livre
que jamais personne ne lira
Un livre dont tournent les pages
au rythme du souffle des rivagesLa nécessité de vivre elle
succombe lorsque vibre
la lyre des paroles d'amourCOROLLE
J'imagine la main nue
la main de la lumière
chant d'azur décolleté
où l'oeil se retrempeJ'imagine l'or fin des doigts
sur la frise d'une chevelure
en laquelle l'ombre s'irise
avec le murmure des fontainesJ'imagine l'opale des ongles
et le trait couleur de rosée
tracé sur la peau des mots
fruits d'on ne sait quelle fleurCONFESSION POÉTIQUE
Dans le bleu d'un seul mot
mon amour s'entend
mon amour se lève
mon amour se rêve
mon amour s'étendLe vent rafraîchit ma fêlure
je m'enivre de bruime et de nuitLa ville se referme
sur chacun de mes pas
j'écoute
le silence d'un catalpa
contre un mur de bétonPlace des Fêtes
un enfant africain
porte le monde sur son dosLa ville pleure
d'humaines solitudesMon amour se fêle
au fil des mots
une voix qui n'est pas la mienne
me dicte le sens du poème18.01.10
LA CHAIR DU DÉSIR
Tu es ma nuit radieuse
nuit sortilège nuit sacrificielle
où le sexe incarne le sang
des hautes luttes passionnelles
où le coeur bat le rappel des rêve
sur des tambours d'ébèneJe suis pirogue d'os et de peau
remontant le cours d'une Amazonie fiévreuse
aux berges peuplées de perroquets
et de toucans criards
de singes hurleurs
parmi les lianes du désirnous sommes fleurs et flammes voluptueuses
à l'assaut d'un ciel étoilé
où s'écrivent en lettres délirantes
les mots d'amour que nous étouffons
jusqu'à ce que mort nous couve
dans un berceau de douce humanité10.10.09
AMNESIA Je vois jouir
du fond de mes années
la femmes aux sèves rougies
entre des feuillages de vie
des ailes d'azur
et de trop brèves éclairciesIl n'y a plus le silence
sur les portées de la lumière
et le fleuve s'est tari
entre sa source et l'oubliIl n'y a plus que cette pluie
qui efface mes traits
dans le tronc moisi du soleilIl n'y a plus au-dessus des toits
ces danseurs en équilibre
sur l'arête des joursIl n'y a plus la présence
la douce présence d'un monde
contre la peau des amants
qui s'en vont à la guerreJe vois jouir
au fond d'un océan amnésique
la sirène et l'hippocampe
dans un lit de sable et d'algues
renversé près de la coque rouillée
de tous mes naufrages05.10.09
LE VENT DE LA RÉVOLTE Cette nuit je lâcherai mes nègres
mes nègres de foudre et de fièvres
mes nègres à tambours battant
les premières gouttes de pluie
sur le sol craquelé des savanesJe lâcherai mes nègres solaires
le long des grands fleuves du rêve
nègres d'albâtre et nègres nusCette nuit je briserai les chaînes
des tribus ardentes de mon sangJ'affranchirai les fils de mes frères
et les filles longues des moussons
pour qu'ils essaiment les continents
sur le dos des vents de la révolte!Cette nuit ne rentrerai pas
je pars vers un pays sauvage
un pays où fauves et gazelles
vivent en paix l'ombre et la lumière
avec des étoiles plein les yeux
05.12.09Mis en ligne avec la permission de l'auteur - 26.02.10 © Tous droits réservés