Bernadette DELAGE
FEMME ACCROUPIE
Je suis nue sur une table tournante
Position ordonnée
Corps soumis
Dépossédé
Jaime vos yeux
Humiliation jouissive
Je vous laisse déshabiller le plus profond de mon être
Scruter les angles de ce corps docile
Pénétrer de vos pupilles dilatées londulation de mes courbesAsservie je pivote sur une table tournante
Toutes faces examinées
Dépouillées
Jaime vos mains
Intrusion enivrante
Je vous laisse habiller ce marbre de mes formes les plus profondes
Sculpter mon indécence exigée
Lacérer ma peau à coup de ciseaux
Envahir de vos doigts déliés les plis de mon intimitéFemme accroupie
Esclave de vos exigences
Cur aliéné de dépendance
Corps approprié
Je suis un bronze prisonnier
Glacé dindécence
Sur place publiqueSYMPHONIE
Il y a ce vertige intérieur
danse solitaire
les yeux veulent être autre que pierre
du désert, la larme la plus cruelle
celle qui sèche à lintérieur
sest séchappéeSécoule le déluge
couvrant le visage dune robe de sel
en couches successives de peau
jusquà paraitre blanc
parfaitement habilléVêtue de soie
je vous offre une flute de champagne
pour léloge de nous
dans la bouche des torrents de motsLes glandes lacrymales ont inversé le sens
les arbres bientôt nus reflètent nos visages
enfermés tout l'été, et si c'était la finMélangés nous nourrissons la sève
au printemps à quelles cimes serons-nous séparés
les haies dans la tête deviennent obsession
fantômes dont on ne peut défaire les drapsEnroulée sur un banc, je contemple lenvol des oiseaux
les paumes des mains en feu , respirant lair empoisonné
l'hiver est une prison comme le lac gelé de mes yeuxPOINT DE FUITE
Je suis allée voir limmensité
les ruelles blanchies qui se cognent
semées de pavés glissants
comme les mots barricadés dans la tête
nous sommes des éclopés
exclus du monde au point de fuite
coulés dans le béton jusque dans nos livresIl ne me reste que 1500 jours du sable à la mer
comme les tortues courent à leau
comme le chasseur déclairs face aux orages
pour écrire un énorme livre et ne plus être entre deux livres
toutes les angoisses sont dans les phrases
dans la manière de décrire une porte
une fenêtre autour desquelles tout sarticule
jusquà la perspective dune mort certaineJe ne lutterai pas pour devenir poète muet
assise sous le porche dune voie sans issue
jai besoin de ma mémoire
du rose et du noir
du printemps et de lhiver
de laisser couler mes pensées à écriture haute
comme le vent forme la tempête
le faisant tomber dans le piège
pour devenir vivante
lécriture nest pas une protection
on peut mourir quand sévadent les pensées
alors que sécartent les barreauxL'ABÎME Il en tomba combien dans cet abîme
Et je disparaîtrai un jour dans le silence
De ce monde, cest certainIl en tomba combien dans cet abîme
Le vert de mes yeux, léclat de mes cheveux
Séteindront au fil du tempsIl en tomba combien dans cet abîme
Dans ma chute se figeront les souvenirs
De ma vie resteront les imagesDe ce monde, cest certain
La vie renaîtra
Et tout sera comme si je navais pas existéDans ce monde, cest certain
Jaimerais laisser mon empreinte
Le vert de mes yeux, le son de ma voixVous qui maimez
Ecoutez-moi !
Il faut maimer encore du fait que je mourraiEntendez mes cris du silence !
Lécho de ma chute où labîme mentraîneMis en ligne avec la permission de l'auteure - 22.01.10 © Tous droits réservés