Isabelle NOUVEL





      Soledad


      Longtemps j'ai marché dans la ville aux milles regards aveugles, sur les
      trottoirs qui fument
      tu n'es pas dans mes bras

      Soledad
      jeune épousée de la foule au regard fragile
      tu n'es qu'un enfant muet, né de l'obscur et mouvant comme la brume
      d'octobre
      tes promesses sont des plaies, tes souvenirs des havres
      et ton coeur ne bat plus depuis longtemps déjà

      C'est ainsi que la passante qui tenait ta main s'est rencontrée elle-même au petit matin
      Soledad
      maladie librement consentie
      l'or du rêve aussi coulait depuis tes mains
      le silence et la gloire, les joyaux du vertige
      les peurs désincarnées par la trop longue absence

      Il faudrait que quelqu'un qui parle s'avance entre les ombres
      qu'il nous confie son nom qu'il nous désire enfin
      mais pourrions-nous renaître dans ce soupir de l'autre
      cet ennemi amoureux ce dieu au coeur changeant
      pourrions nous être unique et double, au même instant ?


      09.04.98




      Transparences


      Le vent fade charrie sur le fleuve les débris de mon rêve,
      Les dépouilles des mots s'enivrent de l'eau grise.

      Nous étions transparents comme le givre, fragiles comme la
      nuée, hantés par la splendeur...
      Tes gestes somptueux délimitaient le monde et mon esprit brûlait
      de se perdre en le tien.

      Te souviens-tu... Te souviens-tu, je marchais dans ta grâce...
      Aux crêtes ocres du sable, nous regardions longtemps le
      puissant horizon, nous étions désarmés, aériens, habités de
      sourires et de lumière nue.

      Te souviens-tu, tu dormais dans mon ombre.

      C'était un autre temps, ô mon bel assassin,
      C'était un autre espace, une lune ironique gouvernait nos
      regards,
      Il nous faudrait des chaînes il nous faudrait des liens, au loin des
      villes noires, des soldats et des chiens.


        20.03.98




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