NATH

 

FATIGUÉE

Par quel temps de papier
Délier l'absurdité des jours ?

Je rêve d'un cri d'encre où bercer mes paupières
Un espace où border les pierres du matin
Je rêve d'un jardin de lèvres éoliennes

Mais le jour est trop peu
Qui nous fait ombre au jour
Et trop peu l'ignorance
Où je me tiens debout

La nuit dans une main
Le silence dans l'autre
Comme pour clore le soleil

BAVARDAGES

Je parle aux yeux cernés
Aux bouches closes
Je parle aux souffles courts
Des vents d'après minuit
Je parle aux oiseaux morts
Dans le secret des feuilles
Je parle

Je parle au sans dessus
Je parle au sang dessous
Au Cyclope du jour
Au Caïn du silence
Je parle aux doigts d'ailleurs
Aux gestes désarmés
Je parle au charbon bleu
Grillagé d'hirondelles
Je parle

Je parle à l'horizon qui poursuit les tempêtes
À la semelle usée des bottes de sept lieues
Je parle aux araignées dans le grenier des songes
Je parle

Je parle aux matins clairs
Aux tessons des merveilles

Je parle trop


CE SERA TOI

Ce sera toi.
L'oiseau-lyre de nos paroles
Aura démaquillé tous les épouvantails,
Et ce sera toi.

Après les pluies de l'aube et les sursauts du soir,
Après le poids des murs et l'ombre des fenêtres,
Après les grilles fauves aux courbures du jour,
Ce sera toi.
Et le bois mort n'existera plus qu'en présage du feu.
Et la pluie ne nous sera pluie qu'à redessiner l'arc-en-ciel.
Et les arbres pousseront à l'envers,
Avec des branches pour racines
Et des racines en plein soleil.

Ce sera toi
Comme une page blanche
Où faire poème de chaque mot.
Ce sera toi
Comme une incertitude
Où lire promesse au moindre geste.
Et dans chaque pierre du chemin qui saura le parfum des roses,
Et dans chaque paupière éclose,
Et dans chaque orée du matin,
Ce sera toi.

Un arc-en-ciel d'oiseaux vient d'ouvrir la fenêtre,
Et le feu coule en pluie dans le creux de ma main.
Du plus loin, du plus près d'hier et de demain,
C'est déjà toi.

NATH - Tous droits réservés © 19 juillet 1998

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