CHRONIQUE
DES TEMPS MORTS
Dans l'épaisseur
des langues
les matins lèchent le silence de nos mères
quand leurs mains pétrissent les corps
apprêtés aux semailles du vent
on les nomme
sauvagement croupes
juments berbères
elles galopent dans le fumier des anges
font grincer les coeurs à la rimaille
d'un lieu
sculpté à même l'hiver
une larme serpente la dorsale de leurs rêves
à l'affût des étangs grenouillards
ces géantes
gravent des gestes neufs
sur la courbure du jour
oubliant leurs fils dans le magma des fatigues
elles grignotent
les secondes
pour faire croire que ça sent bon vers le haut
tandis qu'en bas
les hommes rotent
durant cette
inertie
l'univers dépose des lumières
sur l'oeil réduit devant tous les feux
au regret de n'avoir pu énumérer
quelques enfants mauves
femmes d'éternité
leurs chevelures s'enroulent
autour d'un chaud frisson
quand la mémoire de leurs jambes
se referme sur la tendresse
dépôt de lumière
dans la moelle du lit
|
JEUX
ET ENJEUX
Le temps
se fait vieux
quand les coeurs fous saignent
quand il n'y a plus de jeux à offrir aux enfants
quand les blessures s'enlisent
dans le secret des villes
le temps
se fait vieux
quand on confie le noir au blanc
le mourir au feu de paille
sans laisser de traces
dans la dictée
le temps
se fait vieux
quand les poètes confisquent le bleu
de nos mémoires
exposant les épines de nos amours
à la rosée des déserts
|
ALTERNANCE
Nous mourons
tous en colère
d'avoir gagné si peu de temps
pour apprendre à répéter des mots tendres
pendant le goutte-à-goutte des heures
nous moulant à la terre
nous voilà
ruines
et vieilles habitudes
lasses de n'avoir pas triomphé
couvertes
de pierres
les années s'enchaînent à nos rêves
dans le désordre des jours mal aimés
|
TROU DE
MATIERE
Coagulé dans
la mémoire
un silence bouge
comme un mort qui bourgeonne
au coeur de l'aube
quand les pas frôlent la mécanique des corps
ces carcasses blindées
puis vient
la nuit
enduite de peaux
que l'on réchauffe sous des textes
plastifiés
|
DÉCLIN DE
L'OEIL
Belle faucheuse
la courte vie s'intéresse à ma vie
gisant au fond d'un tiroir
parmi les mauves et les gris
quand le voyage supprime les voyageurs
dans leur prison
ce délire
insulte l'écriture
comme un crachat
dans l'oeil de nos miroirs
j'hésite
encore
entre la patine de la nuit
les véhémences du jour
et l'embarras du verbe
à disparaître
|
MURMURES
FAUVES
Nul sourire
derrière les murs
dans les trous
errer comme un chien
qui ronge des mots tard le soir
sur les avenues mal-en-point
près des hangars
par-delà les nuits
où il n'y a plus rien à voir
plus rien à entendre que les murmures
des lendemains
des pour-plus-tard
ce rythme
m'endigue
me ficelle la passion
m'enfirouape
m'achève
puis ça recommence
dans la procréation
et ça tire fort sur la bride
quand on comprend
qu'une seule folie en rut
peut en venir à bout
|
POUSSIÈRE
DE RÊVE
Cette chose
qui meurtrit la nuit
c'est peut-être ma parole
dans toute sa barbarie
que mes jours tricotent à l'infini
c'est peut-être
aussi un rêve déshabillé
sur la peau d'un mot qui bouge
entre ma tête et l'oreiller
c'est peut-être
même ce mot
devenu paresseux
qui rêve d'un silence
dans la poussière du lit
c'est peut-être
enfin le silence qui me rêve
dans l'oeil du matin
|
BAIN
DE LUNE
A cause du
clapotis des vagues sur mon dos
la lune se baigne toute nue dans mon lit
à la lueur de mon rêve inachevé
à cause du
viol des jours
et la nuit qui pointe du doigt
quand la poussière s'embrase
entre deux insomnies
à cause de
l'amour pour la mort
de ceux que j'ai regardés la veille
leurs gestes exilés dans ma gorge
transfusion de grenades
à cause d'une
cause qui n'en est pas une
tandis que la lune se baigne toute seule
dans la buée de leurs yeux
une pierre
roule dans la nuit froide
se meut très lentement
et je me rendors pour reconnaître demain
pareil à tous les autres
|
MOUVANCE
A l'abri
d'une folie qui tourne en rond
je ne parlerai plus de l'amour
mais plutôt de la mer
de ses mouvements salins
et du bleu de mes peurs
accrochées à la ceinture
sur vos dunes
je marmonne
comme un vieil animal qui rue
sur la mouvance des villes
quand les jours se tordent
dans les reliefs du ciel
|
LABYRINTHE
Pose tes
yeux effrayés près du lit marin
surtout ne bouge pas
les oiseaux te croient mort
noyé dans les sèves de l'enfance
si j'osais
j'emmurerais ton silence
dans le labyrinthe de tes doigts
étreignant la lumière
ordonne
et ma parole contaminera le pays
de ma chambre
tapissée de feuillage
et de plaisirs anciens
sous un ciel voyou
|
COUP D'OEIL
Sur les avenues
américaines
mon âme farouche s'habitue à la démence
quand il ne reste plus que des restes de peurs
sur le bord de l'assiette
mais surprends-moi
quand même
montre-moi
des jeux de soleil
pour délivrer la jouissance
repliée derrière tes paupières
montre-moi
aussi des maisons
muettes à force de quotidien
quand les amours rustiques
égratignent les corps
oubliés sur la peau de novembre
montre-moi
enfin des lieux sans parlure
quand le soir cherche à nous mutiler
|
TOUJOURS
TROP
J'ai toujours
un soleil dans ma poche
en cas d'extrême nécessité
quand le bonheur fait pitié
quand les matins blanchis par la chaux tourbillonnent
dans une ville délavée
alors que les rôles font mal
mal à mes gestes
coincés entre deux jours trop courts
trop courts pour être chantés par l'intime
trop usés par l'écho des autres
trop lourds pour l'amour
que l'on suspend aux branches de l'aube
trop discrets pour être répétés par des mots
trop libérés pour la prison
multipliés par une double intensité
mais j'ai
la preuve
qu'un arbre peut quand même se reposer
sous ses feuilles
malgré le nom que l'on donne aux visages
|
UN AUTRE
JOUR
A cause d'une
lente noirceur
imprégnée sur vos corps assoupis
j'ai dû veiller au bord de la page
surveillant un peuple d'images qui louvoyaient
entre les mots et les cachots
là où le noir ronge le noir
barbouille les mémoires
d'instants inédits
quel étrange
bonheur
lorsque hier
une pluie de paroles déferlait
sur vos silences d'autrefois
dilatant les muscles de vos consciences rugueuses
et pourchassant les loups
jusqu'aux frontières de vos souvenirs
imaginez
demain
quand il faudra balayer les feuilles mortes
les vieilles pierres crachées par la nuit
et les cendres des promeneurs en allés
vous chercherez
ensuite
des forêts réprimées par le temps
et des steppes qui murmurent
les mots d'argile
à peindre sur la liberté de l'autre
incitant la flamme de vos bras nus
à reprendre le poème entamé la veille
|
REFLET DU
RÊVE
Ma nuit devient
silence
comme une pierre
quand les aiguilles de l'horloge grelottent
quand mes secondes vont s'évanouir
dans les siècles qu'il me semble avoir rêvés
mais il y
a toujours une aïeule
qui se promène en moi
brûlant les feux rouges
aux intersections de ma mémoire
les millénaires
m'épuisent
me font penser à un jeu sidéral
et si la
terre brille encore
c'est surtout à cause du reflet de la lune
ou de quelques étoiles perdues
dans le dessin d'une rêveuse isolée
je ne me sens déjà plus là
|
SOUS LA
HOUSSE DU TEMPS
Perdu au
fond des sens
le jour ailé a revêtu ses plus beaux atomes
pour décrire la blancheur du corps
et le spectacle des formes
les mots
eurent cependant faim de vibrations
mais sous la housse du temps
nous n'étions plus que jeux de matière
au soleil
des morts accouplés en orbite
des toupies au tournant des époques
des hauts et des bas uniques
des curriculum vitae en transe
et des brouillons pris de vertige
|
HEURES BLEUES
Si j'ai l'oeil
étendu sur la paille
d'un vieux grenier clandestin
c'est pour voir
pour jouir
pour pouvoir jouir d'une goutte d'eau
petite larme revêtue de silences
devant le coeur secret des enfants chauves
qui sucent des songes au coin des rues
prise au
piège par une voisine imaginaire
(ma plus proche éphémère jamais rencontrée)
je me demande si la lumière est allumée
ou non
mais je vis
quand même
je vis comme une pendule sans avenir
oubliant les heures bleues
derrière mes rideaux
|
PAS VIOLETS
Viennent
des jours comme ça
quand mes pas chaussent les pas perdus
des personnes aux pattes légères
de marches rapides et de jogging
ils errent
d'une mort à l'autre
devant un crépuscule violacé
certains
jours ne s'habituent pas
à la pointure de mes pas
vont se coucher sur ma mémoire d'enfant
viennent
encore d'autres jours
qui me font mal aux pieds
ils dérivent sur mes pas essoufflés
puis s'en retournent à leurs affaires
il y a des
jours comme ça
qui ne me ressemblent pas
|
IMAGES FROISSÉES
Devant les
mirages plantés dans l'asphalte
je grisonne bêtement comme une fin d'été
engloutie dans l'ennui des autres
et je disparais dans mes pensées tropicales
en levant parfois le petit doigt
pour faire des signes aux passants
sans voir leur image qui me triture l'oeil
comme une plaie
mais je n'oublie
pas
que la voix des morts ne porte plus à rire
quand leurs cancers tuent sèchement les saisons
et je ne ricane plus devant le calendrier
où les matins n'ont plus de dates
ni de tendresse à mendier sur le corps
des disparus
|
JOUR CALCINÉ
Au centre
de l'errance
mon lit a dû exagérer un rêve
c'était l'autre
nuit
une nuit de cuir dans le spasme d'un cri
d'où personne n'échappe
c'était la
nuit
ou peut-être un jour calciné
par les vapeurs d'un parfum noir
un jour momifié
dans la solitude vicieuse d'un rêve inachevé
mais cette
nuit-là
je n'y étais pas
je veillais le jour dans son mouroir
|
EXTASE
Sous le poids
du soir
une lumière attendrit la couleur
des mots crispés sur un corps céleste
ses morts exemplaires
et les quotidiens interminables
en extase devant une poudre d'os
d'une lèvre
à l'autre
se propage le désir
pour affoler les gestes du corps qui attend
gelé
viens prendre
un bain dans mes veines
|
SOUVENIRS
FLEURIS
étendus
les morts sont pâles et tristes
comme d'anciens vivants
qui ne font confiance à personne
ils attendent
leurs sentences
sans pouvoir sortir du soir
vieux rose cendré
dans les
coulisses
ils frissonnent devant un catalogue usé
que leur vie a avalé page par page
laissant une floraison de souvenirs
au seuil de la porte
sans frapper
|
DANS LE
FOUILLIS DES SAISONS
La nuit s'enfuit
sous un orage mental
devant une lune calcinée
par les amours qui finissent mal
sur les rives trop embrassées
américaines
la nuit s'enfuit
dans le fouillis des saisons
quand les poètes maquillent de brume
leurs hivers
puis transforment la solitude des autres
en jeu de mots douteux
la nuit s'enfuit
comme une peine d'amour
|
FOULE ANECDOTIQUE
Des souvenirs
furent oubliés derrière le décor
tels de vieux figurants qui attendent leur tour
des cendres dans la bouche
avec l'envie de parler du cri
mais le rideau
ne s'ouvre pas
devant une foule anecdotique
qui frémit au coeur des morts
de janvier à décembre
sans applaudir
ils attendent
toujours
ces vieux souvenirs gommés au programme
|
AUTOUR D'UN
DÉLIRE
Quand le
jour boude
la nuit déplace mes ancêtres
dans le champ voisin
ils rôdent
en pointillés
sans savoir s'ils avancent
ou s'ils reculent
ils mijotent dans leurs désirs
ils ne ricanent plus
ils sont là comme des reflets du soir au matin
ils résistent aux heures
et leurs amours sont d'acier
leurs yeux gravitent autour d'un délire
ils n'y croient pas
nos fièvres les froissent
ils pincent nos petites morts quotidiennes
pour voir si ça fait mal
leurs images reposent
muettes
|
JOUR FLANEUR
Un dimanche
se faufile à travers les branches
d'une fin d'automne
quand le temps passe près des amants
sans tricher
quand le texte saisit l'absence
et palpe le monde alentour
affligé par l'insaisissable beauté d'un secret
ce jour flâneur
promène mes souvenirs
comme un ennui sculpté sur mesure
|
JOUR D'OMBRE
Au jour des
lessives
les corps délavés ont revêtu une vie immense
qu'un temps complice a déposé
sur mon silence
ils sont
venus rêver dans ma demeure
barbouillant de cris mes murs
leurs cernes d'angoisse incrustés
sur mon tapis
laissons
les songes à leurs songes
je déménage
|
SOUS LA
CARESSE DES MOTS
Se saluer
à travers la voix
à travers l'oeil
pour faire durer le temps
pour dérober l'espace entre nos gestes
et inscrire un pacte
au registre de nos mémoires
Se reconnaître
à travers une parole intense
comme des fous entêtés
et sous la caresse des mots
diluer un peu de soi dans la lumière diffuse
|
UN DIMANCHE
PROPRE
Menacée par
les grands
toujours amers et sans refuge
la peau rieuse d'un enfant
n appartient à nul parent
elle connaît
toutes les langues
elle a le privilège de la métamorphose
des amours subites
l'éclat du coeur tranquille
et des yeux qui labourent l'univers
entre deux silences
l'atelier
du monde entre ses mains
elle conjugue les jours
en proclamant l'ardeur des belles dames
les prouesses des chevaliers
parmi les odeurs de cuisine
à l'heure du dîner
et quand
vient le dimanche
le jardin est propre
très propre
trop propre
et l'enfant ne rit plus
il enjambe les chaînes des grands
en espérant que le ciel leur tombe sur la tête
|
CHAIR D'EMPIRE
Mon ami tranquille
longtemps déjà nous avons traversé la durée
à travers nos saisons si différentes
à travers nos passions oubliées
sur le coin d'une table
mon ami subtil
aussi vaste qu'un empire
que tes sens ont revêtu de chair
par-dessus la mienne
comme une moisson dressée
derrière la page blanche
mais nos
mains peuvent encore ébruiter l'amour
trahir le faux de nos corps
quand le vrai se rit des interdits
|
PLUMAGE
LUMINEUX
C'était un
oiseau
bleu comme un ciel
le plumage lumineux
son bec soulevant mon coeur
jusqu'à l'entrée du soir
c'était un
oiseau
doux comme un enfant
appelant la tendresse
comme un amant sur le sable chaud
|
TANGAGE
Sous un ciel
démesuré
nous partageons le désir
en deux parties égales
l'une pour détrousser le jour
l'autre pour faire rêver la nuit
derrière un écran de fumée
comme des
pierres resplendissantes
tes mots me draguent
frappent fort sur l'âme
me blessent de leur chant
me respirent jusqu'au cri
je verse
alors ma nuit liquide
dans un ciel sans fin
pour faire vibrer le silence
le jour est
fier
le coeur sent bon l'étreinte
et tanguent sur l'écume du lit
mes tremblements
|
AU TOURNANT
DE LA NUIT
En attendant
le retour du déluge
mes paroles se sont répandues
entre les gratte-ciel
et les aller-retours des sans-desseins
sous les parapluies du «monde à pied»
sur des avenues encombrées de rumeurs
et de boucane
parmi les vivants et les morts
dans les fours à pain noir
au tournant de la nuit
ses cordes à linges vides
la puanteur du ciel
les bonheurs qu'on baptise jour après jour
dans un silence infernal
et la poussière de l'absence
quand la langue brûle trop près du coeur
|
DÉRAPAGE
J'ai la savate
qui claque
sous l'oeil démesuré de la nuit
ses gestes d'infortunes
durant les saisons mortes
dans les petites villes détestables
près de la rivière génétique de nos songes
j'ai la savate
qui dérape
quand mes mots deviennent liquides
sur la dernière étoile du corps amoureux
|
ROUGE LE
MONDE
Vous avez
laissé échapper des souvenirs
sur le trottoir
piétiné les miens mortellement
graffiti sur les places
et rouge le monde
les mains
propres
visage à découvert
vous me ressemblez à mourir
|
MÉNAGERIE
DE PORCELAINE
Au bout de
son sang
la terre recensa ses êtres blêmes
cette ménagerie de porcelaine
circulant dans le calcaire des villes muettes
c'était végétal
et animal blessé
frères et soeurs aussi
venus vivre le vertige des vivants
sous un ciel en or massif
traînant leurs grosses pattes
dans les égouts de l'imaginaire
qu'un vent favorable peignait parfois en rose
parfois en gris
c'était je
pense un incident
à classer dans «faits divers»
|
NUS COMME
DES GLAIVES
Les nuits
sont trop courtes
les jours meurent trop vite
le temps veille à la lumière des mots
qu'une guitare accompagne
sur la neige dorée
des enfants
circulent dans les veines du passé
ils caressent les orages dans la fièvre
de leurs envolées
et nus comme des glaives
ils s'entendent pour rire jusqu'au sang
désespérées
leurs blessures se jettent par la fenêtre
quand le soir se love dans le cou de l'hiver
|
PLAISIR
DES PAUMES
Comme vous
dessinez bien sur ma vie
quand votre murmure trace les lignes
de mon corps
évoquant l'oiseau imaginé
ses ailes de feu figurant sur vos paumes
Comme vous
dessinez bien sur mon corps
quand vos paumes d'oiseau invoquent le plaisir
survolent les couleurs de ce lent destin
né agonisant
Comme vous
dessinez bien sur mon âme
à genoux
devant la légèreté des mots qui naissent
sous les draps
|
PLEIN MATIN
Si vous voulez
savoir où je suis
vous n'avez qu'à vous rendre au bord d'une rivière
sur la pointe des pieds
le temps où personne ne regarde
le temps de délier ma chair
et faire le plein du matin
le temps de rêver au fil de l'eau
sans déranger les verbes
le temps d'accorder mes mots sur les vôtres
le temps d'un enfant qui vous regarde venir
le temps de noyer le temps
et votre image dans la mienne
le silence
est un projet qui me secoue franchement
|
VERTIGES
DE L'EAU
Il se peut
que tes douleurs me portent
jusqu'à la racine de NOUS
lorsque ma chair foule ma chair
invente une colère
pareille aux vertiges de l'eau
il se peut
que je nourrisse ce désordre
en sirotant un café
comme une vieille amie refroidie
au fond d'elle-même
mais toujours remodelée
par la vague successive des heures
il se peut
aussi
que j'aie envie d'aller coucher ma vie
sur la tienne
éprouvant en secret le désastre de nos deuils
et l'humour
|
BLEU DÉSERT
Au milieu
d'un désert bleu
je suis infiniment azurée
parmi les corps plus grands que nature
et je roule dans le demi-sourire de l'aube
vers d'autres mirages
prenant forme de tout
l'hiver dans
ses fourrures m'attend
|
LE FAUX
DU FAUX
Quand mes
yeux eurent conquis le soleil
mon coeur s'est réfugié
sous les cendres de mon désir
condamnant les abus du jour
mais le ciel
en a vu d'autres
et les fous se sont empressés de m'inclure
dans un commercial à rabais
en attendant que la mort crache
sur leurs gilets
surtout les fins de semaine
maîtres féconds
ils ont toujours eu l'amour au large
loin de la vieillesse
leur sagesse comme une vertu détraquée
|
CETTE CHOSE
QUI NOUS DÉSIRE TANT
On retombe
toujours en soi
dans les poudreries du coeur
et les singeries perpétuelles d'une mort promise souffle après souffle
Jours par-dessus
nuits, elle rôde sous des traits tout à fait naturels, sans gravité, nous
jetant à la figure des questions de commencements et de fins. J'avoue
que je ne tiens plus à fréquenter les phrases intéressées par la chose.
Cette chose qui nous arrache aux heures, fait grésiller nos secondes,
ingurgite nos devenirs, vient trop souvent interrompre les conversations.
Cette chose qui nous désire tant. Laissons-la attendre. Ça lui fera une
belle jambe!
|