Poétique
des sommets andins
Trekking sur le circuit Santa Cruz dans la Cordillera Blanca
- Perú
1er au 14 juillet 2000
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UN
PETIT EXERCICE
Et hop, on part pour la première petite randonnée. On s'y rend
par les rues de la ville, et voilà qu'on monte, et ça monte toujours
en zig-zag à flanc de montagne. Je vois des précipices, moi qui
ai la crainte des hauteurs, mais je monte malgré tout. Aouf ! quelle
montée ! Vais-je y parvenir ? Je continue à gravir le sentier, puis
je m'écrase sur une roche pour reprendre mon souffle. En me relevant,
je mets la main sur une plante verte avec de longues aiguilles dont
l'une plantée dans le doigt; je l'enlève. C'est pas grave. Le chef
me dit : "tiens, une plante vénéneuse" en prenant la plante
dans ses mains, et voilà que lui aussi se retrouve avec une aiguille
planté dans le doigt. Un blagueur celui-là, pas vénéneux, cependant
très averti sur la faune péruvienne de ce coin ! Tu parles ! On continue à monter tant et si bien qu'on se retrouve finalement
au sommet du Mirador qui surplombe la vallée où se situe la ville
de Huaraz apparaissant sur la photo ci-dessus. Affff ! Je m'écrase,
je bois de l'eau, et je grignote noix et raisins secs pour me donner
du courage, tout en admirant le paysage. Sur la photo, derrière
la montagne en arrière-plan se trouvent les grands glaciers andins
qu'on verra plus loin. La descente se fait cahin-inka (adaptons
les expressions), moins essoufflante que la montée. Ce fut un petit
exercice qui dérouilla mes jambes en vue de ce qui m'attendait le
lendemain, i.e. le départ pour le circuit Santa Cruz, but principal
de notre voyage. Pour tout dire, notre équipe était formée de deux jeunes filles
et d'un jeune homme, tous de 23 ans, et moi, j'en faisais plus que
le double+. Cette expérience est venue me démontrer que ce double+
d'âge peut parfois vous éviter le mal de montagne, et que rien n'empêche
d'aller plus loin.... toujours plus loin. Mais oui ! ...on y va
sur la Santa Cruz ! Faut y aller lentement, mais sûrement ! Tel
fut ma devise tout au long de ce parcours sur cinq jours. Pratiquer
une telle devise fut salutaire, car je n'ai eu aucun malaise lors
de mon périple au Pérou sauf le mal de tête mentionné, sans doute
dû à la fatigue du trajet Montréal-Huaraz. Comme quoi, les tortues
s'acclimatent fort bien en haute altitude, dans l'air raréfié. À
plus basse altitude, elles évitent de boire l'eau du robinet, ne
boivent que l'eau embouteillée, n'ingurgitent aucun produit laitier
du pays, et ne mangent hélas pas de laitue ou légumes crus, non
pas que les légumes ne sont pas bons, mais c'est surtout l'eau avec
laquelle on les rince qui peut vous donner des coliques et des diarrhées
communément appelé tourista. CIRCUIT SANTA CRUZ - JOUR 1 Le lendemain, tout le monde debout, on part ! Mais avant de chausser
les bottines de marche, il faut une simple précaution pour éviter
les ampoules aux talons. Un adhésif spécialement conçu que l'on
colle sur chaque talon a fait en sorte d'éviter ce désagrément.
Sacs au dos, bâtons de marche en mains, on part en ville pour trouver
un transport qui nous conduira de Huaraz jusqu'à Cashapampa, un
trajet de plus de 3 heures conduisant à l'entrée du Parc Huascaran
où des messieurs pévuviens nous invitent à nous inscrire : nom,
pays, numéro du passeport. Suite à ces formalités, la piste commence.
La longue piste qui longe la rivière Santa Cruz, qu'empruntaient
jadis les Inkas, et maintenant empruntée par de plus en plus de
gens de tous pays que nous avons rencontrés chemin faisant, en plus
des muletiers péruviens, et leurs mulets portant les charges de
certains randonneurs qui préféraient des porteurs au lieu de porter
sac au dos. Une telle randonnée demande beaucoup d'énergie. Au départ, on en
a beaucoup, mais en fin d'après-midi, il faut s'arrêter pour camper,
car la noirceur vient tôt et très vite. Il faut donc trouver un
emplacement de camp dans une vallée, et dresser le campement. Tente
montée, on filtre l'eau de la rivière avec un filtre à l'iode dans
des contenants d'un litre chacun. On fait chauffer l'eau qu'on verse
ensuite dans des sachets de nourriture déshydratées, on referme
le sachet, on attends 20 minutes, puis on dévore. C'est le repas
complet de la journée, car au petit-déjeuner, on mange de l'avoine
roulée sucrée de différentes saveurs (gruau) délayer avec de l'eau
bouillante. Durant la marche, on grignote des mélanges de noix,
arachides, raisins secs, chocolat et barres énergétiques. Après
avoir marché toute la journée, on n'a qu'une idée après avoir mangé,
c'est de se coucher. Sur ce circuit, on marche cinq jours et on couche quatre nuits.
On ne peut s'arrêter et dire: on pourrait prendre un jour de plus,
car on a de la nourriture que pour cinq jours. Et dans ces immenses
montagnes, il n'y a pas de dépanneur du coin ou de supermarché.
Ce circuit ne présente qu'une seule piste, donc, on ne peut s'égarer.
J'étais la plupart du temps celle qui fermait la marche et parfois
de loin, mais je savais, sans les voir, que mes co-équipiers étaient
plus loin en avant et assis à se reposer un peu en m'attendant.
Que pense t-on quand on marche seule derrière, avec parfois peine
et misère ? On se dit : "je ne peux reculer, car ce serait
aussi pénible sinon plus que d'avancer. Donc, faut que j'avance...
allez, vas-y, avance..... Et on s'arrête en bien des moments, en
regardant cette immensité, ces montagnes vertigineuses, et plus
on avance, plus y a de montagnes à contourner et à gravir sur ce
petit sentier qui monte, puis qui descend, tantôt c'est plat, et
ça remontre, et ça redescend, à n'en plus voir le bout ! Difficile
de transmettre ces sensations; faut les vivre pour le savoir, et
puis, soudain, on voit les grands glaciers qui surpassent les montagnes
que l'on gravit, et les voir vient récompenser toute cette marche
qui devient de plus en plus pénible à l'avancée. Et fin d'après-midi, quand on s'arrête à l'avant-dernier camp pour
la nuit, entourés de ces immenses montagnes au pic glacé, on ne
peut qu'admirer ces beautés qui nous envahissent, et on sourit à
ces glaciers que le couchant du soleil vient peindre de couleur
or. On couche donc à 4 250 mètres d'altitude sur une petite vallée,
avant d'entreprendre, le lendemain matin, la montée la plus difficile
pour atteindre le Punta Union, c'est-à-dire, le point géographique
ou trait d'union entre le Pacifique et l'Atlantique. Arrivés au
sommet, on est là au plus haut sur le circuit, à 4 750 mètres d'altitude.
On se repose un bon moment, pour ensuite passer le col, et on redescend.
La descente que je croyais plus facile que la montée, était presque
aussi pénible. En plus de la descente de cette haute montagne, on
doit se rendre à tel point, pour un dernier campement. La descente
draine les énergies même si en bas, on marche dans la pampa, avec
parfois de petites montées, mais la moindre petite montée est pénible.
On passe aussi à travers un terrain marécageux où il faut sauter
de motte en motte afin d'éviter de s'enfoncer dans l'eau jusqu'aux
genoux. J'ai réussi l'épreuve en cherchant les mottes qui n'enfonçaient
pas. À croire que ces mottes avaient un faible pour mes bottines
de marche ! On continue à marcher jusqu'au campement sauf qu'on
arrive un peu tard et la noirceur est déjà presque au rendez-vous
quand vint le temps de manger. On mange vite et on se couche, car
il fait froid. Le lendemain matin, surprise ! Du frimas partout sur le double
toit des tentes et partout sur le sol. Avant de défaire le camp,
on attend que le soleil paraisse. Le jour, dans ces montagnes, on
marche en T-shirt et en short, mais fin d'après-midi, un coupe-vent
devient utile. Dès que le soleil descend sur l'horizon, un pantalon,
une veste en polar, un coupe-vent, une tuque et des gants en laine
du pays, sont nécessaires. Pour dormir, s'enfouir dans un sac de
couchage en duvet d'oie de -27 degrés, habillé d'un sous-vêtement
deux pièces en capilène, ajoutant des bas de laine, vous ne pouvez
avoir froid dans la Cordillera Blanca. Ce matin fut le seul matin
où l'on vit du frimas. Nous n'étions pas très loin des plus grands
glaciers du Pérou, dont le Huascaran, le plus haut sommet enneigé
du monde en zone tropicale.
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